Handsome devil // Theodora

Comme à son habitude, le charmant Brent venait de quitter la Royal University. Il y étudiait la littérature étrangère, sa plus grande passion - ce n'était plus un secret, combien de fois l'avait-on aperçu à Hyde Park, bouquin à la main, seul dans un coin isolé, loin de tous les gamins courant après des ballons blancs et rouges, aux couleurs de l'Angleterre. La question ne se posait même plus à vrai dire.

Accompagné d'une autre étudiante, une jeune française nommée Rose, ils avaient convenus de prendre un café ensemble. Simplement pour discuter, chose étonnante pour un énergumène tel que Sir Anderson. Pour tout avouer, Rose n'avait rien de particulièrement attirant si ce n'est son intelligence. Forcément, elle ne faisait pas figure de laideron mais disons que l'anglais était habitué à ne fréquenter que des déesses et des divinités dont la beauté n'avait plus rien d'humain. Rose était banale. D'une banalité effroyable. De taille moyenne, des cheveux blonds filasses attachés en une queue de cheval, des yeux bleus et des cils papillonnants. Jean élimé, t-shirt quelconque et converses délavées. Néanmoins, sa vivacité d'esprit plaisait à Brent. C'était la seule et unique raison qui l'avait poussé à l'inviter.

Ils venaient de passer une heure assis sur la terrasse d'un salon de thé, assez chic, à se prélasser sous le soleil d'Octobre malgré la température - quinze degrés, pas un de plus. Le jeune homme avait appris que Rose était à Londres pour six mois, qu'elle vouait un culte sans limite à Gus Van Sant et pouvait passer des heures à lire et relire les poèmes de Ronsard et Du Bellay, étant une grande admiratrice des poètes de la Pléiade. Brent hocha la tête, affichant un léger sourire.

"Mais, ce que je préfère par dessus tout, ou du moins ce qui me passionne, c'est la vie de Fontenelle... Va savoir pourquoi" fit-elle en jetant un coup d'œil furtif à sa montre. "Désolée Brent, je vais devoir te laisser, je dois passer à la blanchisserie, à demain"

Elle se leva, plantant ainsi Brent. En public. Ce n'était pas un crime en soit, mais être aperçu seul à une table comme un benêt, c'était mal vu. Surtout si Dirty passait par là. Le jeune homme se remit sur pieds, laissant un généreux pourboire - il en avait les moyens.

Rapidement, ses jambes le menèrent d'elle-même à Hyde Park - son lieu fétiche. Dans sa poche, un exemplaire de Les Mots, de Sartre. Il l'avait déjà lu trois ou quatre fois, et il ne s'en lassait pas. Pourtant, le style d'écriture du philosophe, écrivain, ne plaisait pas à tout le monde. Brent échappait à le règle. Et encore une fois, il se mit à l'écart de la civilisation. Il devait être seize heures, pas plus. Le soleil n'avait pas encore laissé place à la pluie, assez rare à Londres ces derniers temps.

Installé au pied d'un chêne, il fut très vite absorbé dans sa lecture. Hésitant à piquer du nez, il estima qu'il ferait mieux de rester éveillé ou mieux encore, de rentrer chez lui. Il s'était redressé, et même remis sur pieds, près à faire le chemin retour jusqu'à la station de métro la plus proche. Sauf qu'une silhouette plus que familière entra dans son champs de vision. Magnifique jeune femme, sa muse, dont il connaissait les traits par cœur, pour les avoir photographier et même caresser. Elle se dirigeait visiblement vers lui. D'un air appréciateur, Brent la contempla marcher, ne prenant même la peine de la rejoindre. Au lieu de ça, il se rassit, charmant sourire sur son visage.

Theodora était de mauvaise humeur, comme à chaque sortie de son cours de droit. Elle ne pouvait pas voir son prof, Mr Courrighton et ce cher Mr Courrighton ne pouvait pas la voir. Malgré que ce cher monsieur avait des tonnes de classe, Theodora était son bouc-émissaire et ça depuis son arrivée à la fac. Pathétique. Depuis plus d'un an, elle prenait sur elle et se retenait de ne pas lui répondre ou pire de rayer sa voiture en signant " Mes devoirs sont les meilleurs de tout Londres, vous auriez du les ACCEPTER, petit c*n ! ", en gros quoi.

Rien de mieux qu'un verre ou deux de son alcool préféré pour la remonter. Elle finit par aller vers les rues de commerces de luxes pour noyer sa rage dans un sac Chloé et une paire de Louboutins. Ses lunettes noires Chanel sous les yeux comme à chacune de ces sorties, elle était encore vêtue de son uniforme de l'université qu'elle avait pris soin de customiser, elle avait non seulement raccourci sa jupe mais pas trop sinon elle risquait une sanction de la Royal University de Londres mais sa chemise blanche n'était pas la même que les autres élèves vu qu'elle était plus légère et faisait moins " coincée " sur elle. Elle décida finalement d'aller au Starbucks se prendre un thé glaçé et en profita pour aller aux toilettes pour enfiler ses dernières Louboutins qui allaient parfaitement avec son uniforme, sans prétention. Elle jeta un coup d'oeil au miroir des toilettes des femmes, elle était divine, son bronzage était restée intacte et ses cheveux étaient sauvagement lachés. Elle avait finit par se décider pour sa teinte de cheveux, il y a deux semaines, un roux pas trop roux.

Son thé en main, elle se rapella qu'elle devait terminer un livre sur les relations interentreprises. Barbant, au passage. Quoi de mieux d'aller au Hyde Park pour le finir ? Elle prit d'ailleurs tout son temps pour y aller, regardant quelques vitrines, rencontrant quelques connaissances qui la connaissait mais bizarrement elle ne s'en rappelait toujours pas d'où elle les avait connu, de leurs identités ou de leurs amis en commun. Pénètrant alors dans l'entrée principale du parc, elle observa attentivement le peu de gens qui étaient présent, à cette heure-ci, certains travaillaient encore d'autres venaient à peine d'entrer à la fac pour leur premier cours, ils avaient toujours peu d'heures à la fac mais le travail personnel restait quelque chose de très prisant en dehors de la fac. Certaines personnes ne cessaient de la regarder alors qu'elle venait à peine d'arriver, peut-être parce qu'elle portait des lunettes de soleil alors qu'elle était à Londres et pas à Ibiza, ou peut-être parce qu'ils avaient reconnu l'uniforme de son école, ou encore parce que la paire de chaussures qu'elle avait à ses pieds était absolument irrésistible ?

Elle finit par enlever ses lunettes et tourna la tête lentement à la recherche d'une place libre et calme sur l'herbe verte et fraîche du parc. Lorsqu'elle reconnut quelqu'un. En voyant son sourire, elle le lui rendit, ce quelqu'un se figurait être Brent. Ami, amant, lubie, elle ne savait pas trop. C'était bien trop complexe à expliquer surtout si c'était pour le genre de gens qui détestaient les voir ensemble. De simples jaloux. Elle s'avança vers lui de sa démarche habituelle, assurée et à la fois féline. Elle lui lança un regard qui voulait tout dire avant de s'arrêter face à lui qui était assis.

_" Serai-je en plein rêve ou..." commença-t-elle alors qu'un sourire plein de malices se dessina sur ses lèvres charnues.

_" Brent ! " finit-elle après avoir observé le visage de Brent. Il avait l'air d'aller bien et elle ne serait pas étonnée de savoir que lui aussi était au parc afin de lire un livre. Elle ne l'avait pas vu depuis plus d'un mois. Et il avait manqué énormément à Theodora. Et bizarrement, elle ne savait pas si elle devait lui faire la bise ou lui sauter dans les bras, elle finit par opter par un baiser sur la joue, long et tendre, tout en lui glissant à l'oreille " Tu m'as manqué ".